Si l’on croit le discours dominant, l’endettement est un phénomène individuel ancré dans une mauvaise gestion des finances personnelles lié à une sorte d’analphabétisme économique. C’est également la faillite morale d’individus vivant au-dessus de leurs moyens. Ou, l’argument de la responsabilité individuelle ne peut expliquer l’augmentation permanente. En effet, le ratio d’endettement des ménages au Canada par rapport au revenu disponible est passé de 66% en 1980 à 170% en 2017. Au Québec comme ailleurs, nous assistons à une importante généralisation de la dette comme nouvel horizon des rapports sociaux. D’une part, la hausse de l’endettement étudiant, la croissance du crédit à la consommation et l’augmentation de l’endettement hypothécaire soulignent bien cette transformation du rapport à la dette. D’autre part, la hausse du nombre de dossiers d’insolvabilité et l’accroissement des difficultés financières chez les aîné-es, qui déclarent de plus en plus faillite, viennent démontrer que le régime d’endettement actuel est insoutenable. La restructuration du rôle l’État, la détérioration des conditions d’emploi, la stagnation des salaires, la marchandisation croissante de l’éducation et la hausse du coût du logement ont largement contribué à augmenter la pression financière sur les ménages. L’endettement est un phénomène systémique du capitalisme financiarisé qui vient supporter la croissance économique dans un contexte caractérisé par l’érosion de la santé financière des travailleur-euses. Surtout, il représente un puissant outil de contrôle social engendrant de nouveaux rapports de dépendance.